RECONNAISSANT que les fleuves et les rivières sont essentiels à toute vie en soutenant la diversité des espèces et des écosystèmes, en alimentant les zones humides et les habitats aquatiques et en fournissant des nutriments vitaux aux estuaires et deltas côtiers puis aux océans ;

CONSCIENTS que les cours d’eau jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement du cycle hydrologique de la Terre ; que ce rôle dépend de nombreux facteurs, dont le maintien des bassins hydrographiques, des plaines d’inondation et des zones humides environnantes ;

RECONNAISSANT la dépendance absolue des humains à l’égard des fleuves et des systèmes aquatiques pour une eau propre et abondante, pour une terre fertile et des sources de nourriture, mais aussi des loisirs et autres usages culturels, témoignant de l’interdépendance entre les humains et les autres formes de vie ;

ALARMÉS par la pollution des fleuves, notamment par les matières organiques, les déchets plastiques, les agents pathogènes provenant de l’agriculture intensive et les contaminants de l’industrie, ayant pour conséquence un déclin de la biodiversité aquatique, ainsi que d’importants effets négatifs sur la santé humaine ;

CONSCIENTS que la dégradation et l’exploitation des cours d’eau ne sont pas seulement des problèmes environnementaux, mais aussi une question de droits pour les communautés locales, puisque la destruction des cours d’eau menace l’existence même et le mode de vie de ceux qui en dépendent pour leur bien-être ;

GUIDÉS par la reconnaissance croissante à travers le monde des droits inhérents aux fleuves et aux rivières, notamment en Équateur par la voie constitutionnelle pour la nature dans son ensemble, en Nouvelle-Zélande par la voie législative pour le fleuve Whanganui, aux États-Unis par la voie d’ordonnances municipales prises dans une trentaine d’États pour des écosystèmes aquatiques, au Canada par l’adoption de deux résolutions municipales concernant la rivière Magpie, en Inde, au Brésil et en Colombie par la voie jurisprudentielle ;

ENCOURAGÉS par la volonté croissante en Europe de reconnaître des droits inhérents à des entités naturelles, comme en Espagne où le Parlement a adopté le 30 septembre 2022 une loi visant à reconnaître à la lagune Mar Menor, plus grande lagune d’eau salée d’Europe, une personnalité juridique et des droits qui lui sont propres ;

MOTIVÉS, enfin, par les initiatives en Europe en faveur des droits de la nature notamment en Espagne pour la lagune Mar Menor, en Angleterre pour la rivière Ouse et en France avec le Parlement de Loire, l’Appel du Rhône, les Déclarations des droits du Tavignanu (Corse), de la Têt (Pyrénées-Orientales), des Salines (Martinique), le Manifeste pour les droits de la Durance et la reconnaissance des requins et tortues marines comme entités naturelles juridiques dans la Province des Iles Loyauté en Nouvelle-Calédonie ;

CONSTATANT qu’un nouveau paradigme est en train d’opérer dans le monde afin de reconnaître la Nature comme sujet de droit qui doit être respecté et préservé pour sa valeur intrinsèque, mais aussi pour les générations présentes et futures ainsi que les autres espèces, repensant ainsi les rapports entre humains et non-humains ;

CONCERNANT L’ARC :

ATTENDU QUE l’Arc est le premier fleuve côtier des Bouches-du-Rhône avec une longueur de 85 km, une superficie qui couvre 15% du département des Bouches-du-Rhône, traversant deux départements et trente-quatre communes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ;

ATTENDU QUE l’Arc alimente en eau l’une des plus grandes lagunes d’eau saumâtre d’Europe avec l’Étang de Berre et le réservoir du Réaltor, plus vaste plan d’eau de l’est du département des Bouches-du-Rhône ;

ATTENDU QUE l’Arc et ses affluents participent aux réserves d’eau des barrages Zola ;

ATTENDU QUE l’Arc est indispensable aux cultures de la vigne, de l’olive, la tomate et autres cultures maraîchères situées en haute et basse vallée du fleuve ;

ATTENDU QUE l’Arc est un réservoir de biodiversité inestimable alimentant les trames bleues, vertes et brunes du territoire ;

ATTENDU QUE l’Arc, avec sa ripisylve, participe au maintien de températures modérées dans la région ;

ATTENDU QUE l’Arc abrite un patrimoine architectural important avec les ponts de Bayeux, des Trois Sautets, le pont ferroviaire de l’Arc de Meyran, le pont de St Pons, l’aqueduc de Roquefavour ;

ATTENDU QUE l’Arc est associé à un patrimoine culturel mondialement connu grâce aux œuvres de Cézanne et Zola, notamment les peintures “le Pont des Trois Sautets”, “les Baigneurs” et “les Baigneuses”, les romans “Les Rougon Macquart”, ainsi que les correspondances entre Zola et Cezanne ;

ATTENDU QUE la partie nord du bassin versant de l’Arc est située sur le site Concors Sainte-Victoire, espace naturel de près de 50 000 hectares, classé pour sa valeur paysagère et dont la diversité biologique a justifié l’inscription de trois sites Natura 2000 ;

ATTENDU QUE l’Arc est pollué aux hydrocarbures et métaux lourds provenant des complexes industriels de Rousset, Gardanne et Berre-l’Etang, ainsi qu’aux engrais chimiques, pesticides et résidus de médicaments ;

ATTENDU QUE l’Arc et les écosystèmes alentours sont gravement impactés par les autoroutes et l’urbanisation massive ;

ATTENDU QUE le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) de la métropole Aix Marseille qui est en préparation prévoit en outre d’ajouter des zones d’urbanisation intensive le long de l’Arc et de ses affluents à celles déjà existantes, malgré l’opposition des riverains ;

ATTENDU QUE l’Arc, comme tous les autres fleuves, est menacé par la crise climatique et les sécheresses à répétition ;

ATTENDU QUE l’Arc ne bénéficie d’aucun statut de protection spécifique ;

ATTENDU QUE des citoyens préoccupés par les menaces qui pèsent sur l’ARC et ses affluents se sont associés pour créer l’association ARC FLEUVE VIVANT, dédiée à l’Arc et la reconnaissance de ses droits et de sa personnalité juridique ;

Pour ces raisons, ARC FLEUVE VIVANT déclare ce qui suit :

DROITS FONDAMENTAUX DE L’ARC :

1- L’Arc et son bassin versant, au-delà des divisions administratives, est une entité naturelle juridique (ENJ), vivante et indivisible, de sa source au Mont Aurélien, dans le Var, jusqu’à son embouchure dans l’étang de Berre, dans les Bouches-du-Rhône.

2 – En tant que personne juridique, l’Arc et son bassin versant disposent des droits suivants :

– le droit d’exister, de vivre et de s’écouler librement dans le respect de ses cycles naturels ;

– le droit de remplir ses fonctions écologiques essentielles ;

– le droit à la conservation, la régénération et la restauration ;

– le droit d’être protégé de toute pollution ;

– le droit au maintien et à la protection de ses zones d’expansion de crues;

– le droit d’alimenter et d’être alimenté par tous ses affluents et aquifères ;

– le droit d’ester en justice par l’intermédiaire de ses représentants ;

3 – Les droits de l’Arc pourront être défendus en justice par ses représentants, agissant en son nom comme ses représentants légaux.

4 – Les représentants du fleuve seront composés de membres d’Arc Fleuve Vivant ainsi que de membres de municipalités riveraines, de la société civile représentant les différents secteurs économique, social et environnemental, ainsi que d’experts scientifiques indépendants. Ils seront désignés ultérieurement.

6- Les représentants du fleuve Arc ont le devoir d’agir au nom des droits et des intérêts de l’Arc et de veiller à la protection de ses droits. À ce titre, ses représentants pourront réclamer réparation du préjudice subi par le fleuve et recevoir une compensation qui sera utilisée pour le propre bénéfice du fleuve.

7-Les droits du fleuve, tels que définis dans la présente Déclaration, devront être pris en compte et respectés par les organismes privés, notamment dans le cadre de leurs activités industrielles et commerciales, ainsi que par les pouvoirs publics, notamment dans toutes les décisions d’urbanisme, de voirie, de circulation et de zonages qu’ils seront amenés à prendre, et ce, en concertation avec les représentants du fleuve qui devront être consultés au préalable.

8- Le principe de précaution devra guider toutes les décisions publiques ayant un impact potentiel sur les droits fondamentaux de l’Arc.

9- En cas d’incertitude juridique, il sera fait application de la solution la plus favorable à la protection des droits de l’Arc tels que définis dans la présente Déclaration.

10- Les pouvoirs publics devront déployer les moyens légaux, réglementaires et financiers nécessaires à la mise en œuvre des droits de l’Arc, tels que définis dans la présente Déclaration.

11- Les élus municipaux, métropolitains, départementaux et régionaux sont invités à adopter la présente Déclaration des droits de l’Arc et à assurer son effectivité.

Fait à Aix-en-Provence, le 8 novembre 2023

Association ARC FLEUVE VIVANT (AFV)

Signez la pétition pour la Déclaration des Droits de l’Arc sur Change.org.

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